Les causes d'une perte de sensibilité aux pieds et orteils.

Suite à un accident ou une maladie, il est possible de perdre progressivement ou brutalement la sensibilité dans le pied ou les deux pieds. Cette perte de sensibilité s’accompagne parfois de douleurs, de sensations désagréables et peut être très gênante au quotidien.

Les personnes atteint-es sont souvent demandeuses de retrouver au plus vite et en priorité une sensibilité normale, même si elles ont par ailleurs d’autres troubles.

Y a-t-il des choses à mettre en place pour retrouver plus vite une meilleure sensibilité du pied ou de l’orteil ? Quoi faire en kinésithérapie, en ergothérapie ou tout simplement à la maison ?

Sommaire

  1. Qu’est-ce que la perte de sensibilité du pied ?
  2. Quelles sont les causes d’une perte de sensibilité au pied ou à l’orteil ?
  3. Quelles sont les conséquences d’une perte de sensibilité dans le pied ?
  4. Quoi faire pour retrouver de la sensibilité dans le pied et les orteils ?
    1. Après un AVC
    2. Bouger le plus possible
    3. Avoir une bonne hygiène de vie
    4. Se protéger des brûlures et accidents
    5. La rééducation de la sensibilité en kinésithérapie
    6. La rééducation de la sensibilité en ergothérapie
    7. Porter des chaussettes de contention
  5. Au bout de combien de temps la sensibilité dans le pied revient ?
  6. L’essentiel à retenir



Qu’est-ce que la perte de sensibilité du pied ?

Un peu de terminologie est important à ce stade, car on appelle de plein de façons différentes les troubles sensitifs. Voici quelques termes utilisés :

  • paresthésie (sensations anormales mais non douloureuses telles que des fourmillements, des courants d’air, une sensation de peau cartonnée, d’impression de chaleur ou fraicheur)
  • disesthésie (sensations anormales souvent douloureuses provoquées par le contact ou le mouvement ; elles peuvent s’exprimer par des picotements, des brûlures, des douleurs),
  • hypoesthésie (c’est une diminution de sensibilité ; la personne peut mal sentir ou pas du tout sentir le sol quand elle pose son pied par terre et avoir besoin de regarder où elle met son pied pour savoir quand il touche le sol),
  • hyperesthésie (c’est un excès de sensibilité).

Tous ces termes peuvent être rangés sous la grande catégorie des troubles ou déficits sensitifs ou sensoriels, ou de la perte de sensibilité superficielle ou profonde.

La parte de sensibilité du pied peut toucher l’ensemble du pied ou seulement une partie ou un orteil, par exemple le gros ou petit orteil. La perte de sensibilité sous la plante du pied est aussi possible.

Il existe deux grands types de sensibilité :

  • la sensibilité superficielle. Une personne avec un déficit sensitif total ne sentira pas quand on la touche, même en exerçant une pression importante ; il existe 3 sous type de sensibilité superficielle :
    • la sensibilité au toucher ;
    • la sensibilité à la douleur ;
    • la sensibilité à la température.
  • la sensibilité profonde, où proprioception. C’est celle qui nous permet de capter la position de notre corps dans l’espace. Par exemple, en cas d’atteinte totale de la sensibilité profonde du pied, une personne qui ne regarde pas son pied ne saura pas s’il est relevé vers le haut ou s’il tombe vers le bas.

Ces 2 types de sensibilité peuvent être atteints en même temps, ou seulement l’une d’entre-elles. L’interrogatoire du patient associé à des tests cliniques permettent d’objectiver les zones de troubles sensitifs, le degré d’atteinte (total ou partiel) et le type de sensibilité concernée.

 

Quelles sont les causes d’une perte de sensibilité au pied ou à l’orteil ?

La perte de sensibilité du pied ou de toute autre partie du corps est liée à une atteinte du système nerveux. Il peut s’agir :

  • du système nerveux central (le cerveau et la moelle épinière) ; on parle dans ce cas de troubles sensitifs d’origine centrale ;
  • du système nerveux périphérique (les nerfs, à l’extérieur du cerveau et de la moelle épinière, qui sont présent partout dans le corps) ; on parle alors de troubles sensitifs d’origine périphérique.

Que l’atteinte soit périphérique ou centrale, elle peut être totale ou partielle, et définitive ou temporaire. Un accident ou une maladie génétique ou acquise peuvent être à l’origine d’un dysfonctionnement du système nerveux, à l’origine de troubles sensitifs. On peut citer par exemple les causes suivantes :

Pour le système nerveux central :

  • blessure medullaire (de la moelle épinière) entrainant une paraplégie ou tétraplégie, ou une paraparésie ou tétraparésie ;
  • traumatisme crânien ;
  • accident vasculaire cérébral (AVC) ;
  • paralysie cérébrale ;
  • brèche durale (suite à une rachianesthésie, une neurochirurgie) ;
  • etc.

Pour le système nerveux périphérique :

  • polyneuropathie ;
  • neuropathie diabétique ;
  • lésion suite à un traumatisme ;
  • compression d’un nerf par une tumeur ;
  • sciatique ou cruralgie paralysante ;
  • etc.

Quelles sont les conséquences d’une perte de sensibilité dans le pied ?

Les conséquentes sont différentes selon l’intensité des troubles sensitifs. En général, les troubles sensitifs ont un impact sur le quotidien des personnes atteintes : il y a certaines activités qu’ils n’arrivent plus à faire, ou plus difficilement. Cela peut être par exemple la marche en terrain instable sans aide technique ou releveur du pied, voire même la marche en intérieur sans se tenir au mur pour certaines personnes.

La démarche et l’équilibre sont souvent altérés. En effet, une fois debout, le balancement postural est plus important car la stabilité des pieds est moins assurée. Les sensations tactiles et proprioceptives fournissent des informations indispensables au cerveau pour équilibrer le corps. Lorsqu’elles sont altérées, ces fonctions sont donc altérées.

La perte de sensibilité des pieds peut entraîner des chutes plus fréquentes, une marche plus ralentie et moins endurante.

Cela n’est cependant pas une fatalité et certaines personnes arrivent très bien à compenser leurs troubles sensitifs pour continuer à mener une vie normale, faire du sport et travailler.

Quoi faire pour retrouver de la sensibilité dans le pied et les orteils ?

Les patient-es sont souvent demandeurs et demandeuses de prise en charge pour leurs troubles sensitifs. Même si ces derniers ne les limitent pas forcément dans leurs activités : la sensation en soi, même non douloureuse, est désagréable.

Plusieurs techniques et exercices sont proposés par les kinésithérapeutes et les ergothérapeutes pour tenter de diminuer les troubles sensitifs. Peu ont été testées sur un grand nombre de patient-es et de manière comparative, pour savoir si c’est vraiment la technique qui améliore les troubles sensitifs ou simplement le temps qui passe ou la rééducation générale pour les autres problèmes. La rééducation sensitive a été testée dans des études cliniques uniquement chez des personnes en souffrant suite à un AVC ou à des atteintes au niveau du visage. Que nous disent ces études ?

Après un AVC

Après un AVC, les troubles sensitifs sont plus importants dans les jambes que dans les bras. Plusieurs études ont été réalisées visant à évaluer l’efficacité de la rééducation des troubles sensitifs après un AVC. Au total, 430 personnes victimes d’un AVC et souffrants de troubles sensitif des membres inférieurs ont été inclues dans ces études.

Que faisait-on faire à ces personnes et à quelle fréquence ? Des activités très différentes selon les études dans lesquelles elles étaient inclues :

  • des activités visant à solliciter la sensibilité au toucher et au mouvement de la zone hypoesthésique ; les personnes devaient dire si on les touchait, où on les touchait, avec quoi, etc.
  • de la marche sur tapis de marche, notamment yeux fermés ou bandés ;
  • de la marche aquatique ;
  • du TENS ;
  • de la stimulation par vibration.

Ces interventions avaient lieu de minimum 30 min par jour à maximum 2 heures par jour, 5 jours sur 7, pendant 6 mois.

Après plusieurs mois de rééducation, les personnes amélioraient généralement leur équilibre et leur sensibilité au toucher ou au mouvement, mais pas leur démarche. Il s’agissait d’une amélioration par rapport à leur score avant le traitement. Mais il s’agissait aussi d’une amélioration par rapport aux scores de personnes qui n’avaient pas suivi de rééducation centrée sur les troubles sensitifs, ou qui avaient simplement moins d’heures de rééducation par semaine.

Compte-tenu des études actuellement publiées, il n’est pas possible de dire que certaines techniques de rééducation fonctionnent mieux que d’autres pour retrouver la sensibilité du pied. Même celles centrées sur le rééducation de la sensibilité au toucher.

Il existe aussi des études moins spécifiques, qui portent sur l’impact de la rééducation sur les troubles sensitifs après un AVC, qu’ils touchent les membres supérieurs ou inférieurs. Au total, les progrès de 1093 patients victimes d’un AVC et de troubles sensitifs ont été évalués. Les résultats de ces études suggèrent que la rééducation sensorielle passive est plus efficace que la rééducation sensorielle active sur les troubles sensitifs et moteurs.

Qu’appelle-t-on rééducation sensorielle passive ? Il s’agit d’une approche de stimulation sensorielle appliquée de l’extérieur, avec un prétendu mécanisme d’amorçage du système nerveux. Les zones de déficit sensitif des patient-es vont être touchées et stimulées avec différentes textures, formes et températures, voire courants électriques (TENS) sans pour autant que le thérapeute sollicite un effort cognitif du patient-e pour qu’il reconnaisse les zones et types de touché.

La rééducation sensorielle active se base elle sur une rééducation graduelle utilisant des principes d’apprentissage : les patient-es vont essayer de discriminer différents stimulus, de reconnaître quelle texture les touche et à quel endroit précisément, tenter de distinguer la chaleur de la fraîcheur, tout cela de manière progressive et conscientisée.

Bouger le plus possible

Il est raisonnable de penser que plus les personnes souffrant de troubles sensitifs restent actives, plus elles maximiseront leur chance de récupérer. De plus, réaliser une activité physique régulière a tendance à diminuer la douleur chronique en sollicitant des hormones agréables et en déportant son attention sur autre chose que ses douleurs.

Avoir une bonne hygiène de vie

L’alcool a un effet délétère à court et long terme sur le système nerveux périphérique comme central. Proscrire la consommation d’alcool ou la limiter peut donc être bénéfique pour maximiser les chances de bien récupérer sur le plan sensitif.

Se protéger des brûlures et accidents

Lorsqu’on souffre de troubles sensitifs, on peut plus facilement se brûler, par exemple en ne sentant pas que l’eau de la douche est brûlante. L’hiver, des gelures risquent plus de survenir. Il faut donc être vigilant dans les situations de températures extrêmes.

Le risque d’entorse est également plus fréquent en cas de perte de sensibilité du pied. Il faut veiller à avoir un bon chaussage, ne pas hésiter à utiliser une aide de marche (bâton de randonnée, déambulateur, etc.), voir utiliser une attelle ou un releveur dynamique.

La rééducation de la sensibilité en kinésithérapie

Les kinésithérapeutes sont formés à la rééducation des troubles sensitifs du pied ou de toute autre partie du corps. Après avoir réalisé un interrogatoire et un bilan, ils proposeront des séances adaptées aux attentes et déficits des patient-es.

Les kinésithérapeutes qui s’appuient sur les données probantes devraient donc proposer aux patient-es atteint-es de troubles sensitifs principalement des techniques de rééducation sensorielles passives. Plus généralement, les séances proposées doivent chercher à solliciter le plus possible les sens tactiles et proprioceptifs du patient. La plasticité cérébrale est ainsi encouragée.

Il n’y a pas besoin de matériel spécifique pour réaliser ce type de rééducation : des outils du quotidien peuvent être utilisés.

Les kinésithérapeutes encouragent également l’auto-rééducation des patient-es en leur proposant des exercices qu’ils peuvent réaliser en dehors des séances. Ils rappellent aussi l’importance d’une activité physique régulière et d’une bonne hygiène de vie pour maximiser les chances de régénération nerveuse et de récupération fonctionnelle.

 

La rééducation de la sensibilité en ergothérapie

La prise en charge en libéral en ergothrapie n’est pas remboursée en France. La rééducation des troubles sensitifs en libéral se fera donc principalement chez des kinésithérapeutes.

En centre de rééducation ou à l’hôpital, les patient-es atteint-es de troubles sensitifs peuvent bénéficier de séances d’ergothérapie en plus de celles de kinésithérapie. Les méthodes de rééducation sont sensiblement les même, mais la façon de travailler des ergothérapeutes et des kinésithérapeutes peut varier. Le principal intérêt des séances d’ergothérapie associées à celles de kinésithérapie étant que le temps de rééducation est augmenté.

Porter des chaussettes ou bas de contention

Le port de chaussettes ou bas de contention améliore la circulation sanguine des membres inférieurs. Cela peut soulager les douleurs liées à la stase veineuse, qui peuvent être majorées du fait des troubles sensitifs.

Les chaussettes et les bas de contention peuvent être pris en charge par la sécurité sociale et les mutuelles s’ils sont prescrits par un professionnel de santé.

Au bout de combien de temps la sensibilité dans le pied revient ?

Cela dépend de plusieurs choses :

  • S’agit-t-il d’une atteinte du système nerveux central ou périphérique ?
  • L’atteinte est-elle totale ou partielle ?
  • Depuis combien de temps le déficit sensitif du pied est présent ?
  • La personne atteinte de trouble sensitif a-t-elle une bonne hygiène de vie? 

Il y a généralement plus de chance de récupération rapide et totale lorsque le trouble sensitif est d’origine périphérique est que l’atteinte est partielle. Il est difficile de faire un pronostic précis du délais et du degré de récupération de la sensibilité dans le pied dès qu’elle apparaît. Tout au mieux peut-on parler d’un délais de plusieurs mois, dans les cas où la sensibilité reviendrait.

Voilà comment se passent les choses et à quelle vitesse en cas d’atteinte périphérique. Lorsqu’un nerf est sectionné, toutes les axones qui vont de la colonne vertébrale aux extrémités des mains et des pieds dégénèrent. L’influx sensitif ne se transmet plus. Dans certains cas, l’axone peut cependant se régénérer. On parle de régénération nerveuse, ou de repousse nerveuse. Elle se fait à un rythme très lent, de l’ordre de 1,5 mm par jour. Si la section d’un nerf est localisée au niveau du genou, il faudra donc environ 1 an avant d’espérer une régénération totale du nerf jusqu’au pied. Le délais peut être plus long si la section est plus haute. Pour savoir s’il y a une chance que la régénération nerveuse se fasse, il est possible de réaliser un électromyogramme.



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